vendredi 30 mars 2012

Prix des Lecteurs Livre de Poche 2012 : bilan mars + sélection littérature d'avril !

C'est la fin du mois et il est temps de revenir sur la sélection de mars pour le Prix des Lecteurs Livre de Poche ! Le choix a été plus facile que le mois dernier car un des trois livres s'est détaché du lot. C'est donc avec plaisir que j'ai voté pour Le Club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia dont vous pouvez retrouver ma chronique ici. Roman beaucoup commenté et souvent très apprécié depuis sa sortie en 2009, j'ai l'impression qu'il est bien plutôt bien placé pour finir dans les sept livres choisis par les lecteurs et que les jurys devront départager... A titre d'information, le livre retenu pour le mois de février est... Le Front russe de Jean-Claude Lalumière.

S'il fallait classer ces trois livres de mars selon mes préférences, Les Bulles de Claire Castillon serait en deuxième position, car j'ai trouvé ce recueil de nouvelles agréable à lire, bien qu'un peu (trop ?) cynique. Enfin, mon billet sur Charlotte Isabel Hansen de Tore Rendberg devrait paraître bientôt, mais je peux d'ores et déjà dire que j'ai assez bien aimé, malgré un début très difficile !

Que nous réserve la sélection littérature du mois d'avril ? Et bien, quatre livres : deux femmes, une française et une américaine et deux auteurs anglais ! 

La Ballade de Lila K. de Blandine Le Callet 
4e de couv' : Une jeune femme, Lila K., fragile et volontaire, raconte son histoire. Un jour, des hommes en noir l'ont brutalement arrachée à sa mère, et conduite dans un Centre, mi-pensionnat mi-prison, où on l'a prise en charge. Surdouée, asociale, Lila a tout oublié de sa vie antérieure. Son obsession : retrouver sa mère, recouvrer sa mémoire perdue. Commence alors pour elle un chaotique apprentissage, au sein d'un univers étrangement décalé, aseptisé, où les livres n'ont plus droit de cité…

Les Radley de Matt Haig 
4e de couv' : Ils n'ont qu'une addiction : le sang. Mais depuis plus de vingt ans, ils ont décidé de renoncer à leur péché mignon et de se désintoxiquer. Pas facile d'être un vampire urbain au XXIe siècle ! Dans une banlieue british tout ce qu'il y a de plus respectable, les Radley essayent désespérément de se comporter comme « des gens normaux ». Mais des vampires de souche peuvent-ils définitivement refouler leurs désirs et leurs instincts ? Pas sûr... À contre-courant de toutes les histoires de vampires d'hier et d'aujourd'hui, l'Anglais Matt Haig renouvelle le genre avec ce roman, féroce et brillante satire de notre société et aussi pur plaisir de lecture... et d'angoisse.


Olive Kitteridge d'Elizabeth Strout
4e de couv' : Olive est l’épouse du pharmacien de Crosby, une petite ville côtière du Maine. Elle a un fils, Christopher, qu’elle étouffe. Et c’est aussi un professeur de mathématiques brutal et tyrannique, capable, pourtant, d’élans de bonté. Personnalité hors normes, a priori peu aimable, mais ô combien attachante, Olive traverse cette fresque polyphonique où les destins des habitants de Crosby – héros ordinaires – s’entremêlent sur une période de trente ans . 



Les imperfectionnistes de Tom Rachman
4e de couv' : Ils sont pathétiques, incompétents … mais irrésistibles. Éternels abonnés à l'infortune, les onze « imperfectionnistes » de ce roman choral se croisent tous les jours, sans presque rien savoir les uns des autres, dans la salle de rédaction d'un anonyme quotidien international basé à Rome. Parmi eux, un très incapable directeur de la publication ; un correspondant à Paris au bout du rouleau ; un préposé aux nécrologies frappé par une tragédie aux conséquences inattendues ; un pigiste débutant au Caire…


Je suis plutôt contente de cette sélection car elle promet d'offrir des lectures très variées avec, dans l'ordre, une dystopie, un roman de vampires, une saga à l'américaine et un premier roman anglais. Qu'en pensez-vous ? Avez-vous déjà lu ces livres ou ces auteurs ?

mercredi 28 mars 2012

Les Bulles de Claire Castillon

Les Bulles est un recueil de trente-huit nouvelles écrites par Claire Castillon, jeune écrivaine française née en 1975. Drôles de nouvelles d'ailleurs ! Elles sont très courtes, quatre ou cinq pages en moyenne et traitent chacune de thèmes et de personnages différents. C'est un peu perturbant au début, car on enchaîne rapidement les nouvelles les unes après les autres, sans s'attacher réellement aux personnages ou à l'histoire qu'ils racontent. Car oui, toutes sont écrites du point de vue du personnage principal qui s'exprime à quelqu'un d'autre (de vive voix ou par écrit) ou qui nous fait partager le cours de ses pensées. Chaque nouvelle a pour titre un prénom qui correspond soit au narrateur, soit à la personne à qui il parle ou à laquelle il pense. 

Le recueil est composé d'histoires d'amour, de famille ou d'amitié. Il y aussi beaucoup d'histoires de sexe, parfois un peu crues. Ce sont généralement des femmes qui prennent la parole : une d'entre elles écrit une lettre de rupture, une autre harcèle son ancien petit ami sans le reconnaître, une autre encore s'interroge sur quel amant choisir : "Lawrence me fait jouir, Sven me fait rire et Jean-Pierre me fait chier".

Pourquoi avoir choisi Les Bulles comme titre ? Je pense que tous ces personnages vivent dans leur bulle à travers laquelle ils observent une réalité déformée. En clair, ils s'imaginent des choses, ils interprètent des situations ou des faits parfois de manière totalement aberrante. Bien sûr, nous, en tant que lecteurs, nous en rendons compte immédiatement : nous comprenons que certains détails significatifs ne sont pas relevés (ou sont délibérément ignorés) par ces personnages. J'aime quand, en tant que lecteurs, nous comprenons ou devinons des éléments que les personnages semblent ne pas voir. C'est assez drôle de voir à quel point certains ont des œillères et foncent droit dans un mur ! Certaines de ces nouvelles sont d'ailleurs très jouissives et pleines d'humour décapant : les portraits des personnages sont rafraichissants et originaux. Malheureusement, comme elles sont très courtes, je suis passée très vite d'une nouvelle à une autre, sans pouvoir tout retenir, si bien que je suis obligée de parcourir à nouveau ce recueil pour me souvenir de certains récits ou personnages que j'avais totalement oubliés.

Bien qu'il ne soit pas mon coup de cœur du mois, j'ai quand même bien aimé ce sympathique petit recueil de nouvelles fraîches, divertissantes et qui ne manquent pas de panache. Ceci dit, la vision de la nature humaine qui transparaît ici est très cynique et assez noire. Je le conseille pour tous ceux qui veulent passer un petit moment de lecture agréable et sans prise de tête, mais peut-être faut-il le lire à petites doses, de peur d'être lassé par l'enchaînement trop rapide des nouvelles.

Un extrait :

Quand nous faisons l'amour, il me demande de lui parler. Je lui dis : Je t'aime. il répond : Mais non, enfin, trouve autre chose !
Le moment est mal choisi pour aborder les actualités. Alors je cherche des anecdotes. Cette nuit, par exemple, je lui ai confié la recette de ma tarte aux quetsches, stipulant que je ne la donnais pas à tout le monde. Eh bien ! ça n'aillait encore pas. Il a beuglé que la quetsche, c'était moi.
S'il m'expliquait exactement ce qu'il veut, ce serait plus simple. Ses exigences sont bizarres. Il m'a réclamé des gros mots ! Flûte, zut, saperlipopette, crotte de bique, la vache, ils y sont tous passés. Je me suis décarcassée, mais il n'y a que derrière qui a eu l'air de le satisfaire !

Ce livre fait partie de la sélection littérature du mois de mars pour le prix des lecteurs - Livre de Poche.



jeudi 15 mars 2012

Après le tremblement de terre d'Haruki Murakami

Recueil de nouvelles, Après le tremblement de terre s'attache à raconter les réactions de Japonais suite au terrible tremblement de terre survenu en 1995 à Kobe. Les personnages imaginés par Haruki Murakami, femmes, hommes, de tous âges et conditions, ont chacun une façon bien particulière de réagir : certains quittent leurs proches pour une nouvelle vie, d'autres se rapprochent et se lient. D'autres enfin acceptent leur passé et avancent dans leur vie. 

C'est toujours avec une plume délicate et contemporaine qu'Haruki Murakami nous plonge dans ces récits. Il manie avec talent le quotidien banal et routinier d'un Japonais vivant à notre époque, à l'étrange et l'absurdité de situations totalement burlesques. Ainsi dans Crapaudin sauve Tokyo, Katagiri, qui se décrit comme une "homme on ne peut plus ordinaire. Plus ordinaire que la moyenne, même", rencontre une énorme grenouille, de deux mètres de haut, qui parle et qui lui demande son aide pour aller battre Lelombric, un ver géant vivant sous terre, responsable des tremblements de terre. Le plus souvent, l'étrangeté des situations est plus subtile et passe par des personnages qui "savent" et qui aident les personnages à se retrouver (une vieille voyante, un guide, un artiste..) et par des rêves ou cauchemars récurrents.

Dans ce recueil, aucun texte ne se ressemble :

Un ovni a atteri à Kushiro raconte l'histoire de Komura, quitté par sa femme suite au tremblement de terre, et chargé par un collègue de bureau de transporter une mystérieuse boite.

Paysage avec fer :  trois amis se retrouvent devant un feu de camp sur la plage. Comment se sont-ils rencontrés ? Pourquoi une telle obsession pour les feux de camp ?

Tous les enfants de Dieu savent danser : Yoshiya croit reconnaître son père, qui a abandonné sa mère avant sa naissance, dans le métro et décide de le suivre.

Thaïlande : Satsuki, docteure spécialiste de la thyroïde, décide de passer quelques jours en Thaïlande et rencontre Namit qui va la guider bien plus loin qu'elle n'imaginait.

Galette au miel est ma nouvelle préférée. Il s'agit d'une belle histoire d'un triangle amoureux entre trois amis d'enfance, deux hommes et une femme, réunis autour d'une petite fille espiègle.

Mon avis général sur ces nouvelles est mitigé. J'apprécie toujours autant l'écriture de Murakami, les thèmes qu'il aborde, et ce mélange de réel et fantastique. Ici, en plus, le sujet est fort et ne manque pas d'actualité : après le tremblement de terre, tous ces personnages se remettent en question et cherchent comment changer leur vie. Mais certaines nouvelles m'ont semblé ne pas avoir de fin : tout commence bien, l'intrigue est intéressante, et à la fin, déception, il ne se passe rien et rien n'est vraiment fini. Parfois, je n'ai pas su où l'auteur voulait en venir. Est-ce le genre particulier de la nouvelle qui m'a donné cet arrière-goût d'inachevé ? En tout cas, cela ne m'empêchera pas de revenir aux romans d'Haruki Murakami qui m'attendent sur mes étagères !

Extraits :

C'est alors, à la vue des flammes dans la nuit, que Junko ressentit soudain quelque chose. Quelque chose de profond. Une sorte de bloc d'émotion, aurait-on pu dire, car c'était trop vivant, cela avait un poids trop réel pour être simplement appelé une idée. Cela disparut aussitôt, laissant une sensation étrange qui lui serrait le cœur, comme un souvenir nostalgique, après avoir parcouru tout son corps. Cela lui donna la chair de poule sur les bras, pendant un bon moment. Paysage de fer

Je crois que c'est parce qu'elle a trop regardé les informations. Les images du tremblement de terre de Kobe sont sans doute trop impressionnantes pour une petite fille de quatre ans. C'est depuis le tremblement de terre qu'elle se réveille toutes les nuits. Elle dit que c'est un vilain monsieur qu'elle ne connaît pas qui vient la réveiller. Elle l'appelle "le Bonhomme Tremblement de terre". Il la réveille pour la faire rentrer de force dans une petite boîte. Une boîte qui n'est pas du tout de taille à contenir un être humain. Elle se débat pour ne pas y entrer, mais il la tire par la main et la plie en quatre en faisant craquer ses articulations pour la mettre de force dedans. C'est à ce moment-là qu'elle se réveille en hurlant. Galette au miel

Avec ce titre, je participe pour la première fois au Challenge Dragon 2012 de Catherine !

mardi 13 mars 2012

Le Club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia

19 avril 1980. C'est l'enterrement de Sartre. Michel Marini retrouve un de ses anciens amis perdus de vue, et rencontré à la fin des années cinquante, alors qu'il avait douze ans, qu'il était une terreur au baby et fan de rock n'roll. Il fréquentait alors le Balto, un bistro parisien, qui abritait un bien étrange club de joueurs d'échecs, tous  des russes, polonais, hongrois ou roumains ayant fui leurs pays. C'est un roman d'adolescence qu'a écrit Jean-Michel Guénassia, sur fond trouble de guerre d'Algérie et de Russie stalinienne.

Difficile de résumer un roman (un pavé) si dense tant il y a de personnages et d'histoires qui s'entremêlent ! Le héros principal, c'est bien sûr Michel Marini, cet adolescent qui passe son temps à lire, même en marchant, à jouer au baby puis aux échecs, et qui grandit dans une famille compliquée, à la fois "catho" (côté mère) et "coco" (côté père), et qui s'entre-déchire. Heureusement, ses amis réfugiés de l'Est, l'aident à surmonter les dures épreuves de l'adolescence : premières amours, conflits familiaux, le lycée et le bac...

Les autres héros, ce sont donc Igor, Sacha, Imré, Leonid et autres, ces réfugiés soviétiques dont Jean-Michel Guenassia dresse le portrait. C'est à chaque fois l'occasion d'un retour en arrière : comment ce médecin ou ce pilote de l'air héros de la guerre dans leur pays, se sont-il retrouvés pauvres et chauffeurs de taxis à Paris ? Pour quelles raisons sont-il passés à l'ouest, abandonnant femme et enfants, mère et proches, sans espoir de les revoir ? Le rideau de fer est construit, on est en pleine guerre froide, et tous ces réfugiés, ceux qui défendent le communisme et Staline et ceux qui le dénoncent, se retrouvent au Balto, pour former le plus improbable club d'échecs parisiens.

Véritable fresque sociale et historique, Jean-Michel Guenassia, nous plonge dans le Paris populaire des années 60 et on suit le jeune Michel Marini, ses doutes et ses premiers émois, avec un agréable plaisir, qui démarre doucement, mais se propage tout au long de la lecture. Je suis enchantée de cette lecture, de ces personnages attachants et de leurs histoires, qui font que j'ai eu du mal à lâcher ce roman, une fois bien dedans. 

Extrait :

A la bibliothèque de la mairie, en face du Panthéon, les bibliothécaires restaient dubitatives quand je leur ramenais les cinq livres auxquels on avait droit si peu de temps après les avoir pris. Elles me fixaient d'un air suspicieux. Je m'en fichais et continuais à m'occuper de mon auteur du moment en terminant son étagère avec détermination. J'ai dévoré les classiques avec des critères littéraires personnels. Je ne lisais pas un romancier. Je lisais sa biographie et je n'arrivais pas à aimer l'œuvre si je n'aimais pas l'homme. L'homme était plus important que l’œuvre. Quand la vie était héroïque ou illustre, les romans étaient meilleurs. Quand le bonhomme était abominable ou médiocre, ça avait du mal à passer. Saint-Exupéry, Zola et Lermontov ont longtemps été mes auteurs préférés, pas seulement pour leurs œuvres. J'aimais Rimbaud pour sa vie fulgurante et Kafka pour sa vie discrète et anonyme. Comment réagir quand vous aimez Jules Verne, Maupassant et Dostoïevski, Flaubert, Simenon et une flopée d'autres qui se révélaient d'abominables salauds ? Devais-je les oublier, les ignorer et ne plus les lire ? Faire comme s'ils n'existaient pas alors que leurs romans n'attendaient que moi ? Comment pouvaient-ils avoir écrit des œuvres exceptionnelles en étant des êtres aussi répugnants ?

Ce livre fait partie de la sélection littérature du mois de mars pour le Prix des Lecteurs - Livre de Poche et a déjà reçu le Prix Goncourt de lycéens en 2009.


lundi 5 mars 2012

L'invité mystère de Grégoire Bouillier

L'invité mystère raconte l'histoire d'un homme (narrateur et auteur) qui ne se remet pas d'une rupture brutale et incompréhensible. La femme qui l'a quitté sans raison, lui téléphone le jour de la mort de Michel Leiris (est-ce un signe ?), pour l'inviter à une soirée que donne Sophie Calle pour son anniversaire. Il sera l'invité mystère, c'est-à-dire l'inconnu que, chaque année, la célèbre artiste demande à l'un de ses convives de choisir et d'inviter. Le narrateur s'imagine alors que son ancien amour ne l'a pas oublié et souhaite recommencer une relation avec lui. 

Dans ce court roman, nous sommes totalement plongés dans les pensées du narrateur et emportés dans son délire. Car il voit partout des signes qu'il interprète à sa manière et ses interprétations semblent parfois totalement farfelues. Je n'ai pas aimé le style de l'auteur qui consiste à déverser un flot de paroles et à enchaîner les très longues phrases. Si cela rend bien le cheminement des pensées du narrateur, c'est devenu très vite fatigant pour moi de le suivre. J'en ai même soupiré d'exaspération par moments. Bref, si l'idée de base était intéressante, je n'ai pas du tout accroché à l'écriture. Mais, vous savez bien, les goûts et les couleurs...

Un extrait :

J'avais tellement désiré cet instant que j'étais capable d'en prévoir le déroulement, oui, je savais ce qu'elle allait dire à force de m'être récité cette scène dans ma tête et je pouvais déjà me voir lui expliquer doucement que le passé était le passé, il y avait prescription à présent, peu importait aujourd'hui qu'elle m'eût quitté et quitté de la manière dont elle m'avait quitté, elle pouvait me croire, c'était oublié, j'avais compris l'origine de mon malheur et cela n'avait rien à voir avec elle et je ne lui en voulais plus et chacun faisait comme il peut dans ce monde et c'était finalement la vie qui était cruelle et nous tous qui étions innocents et des choses bien plus terribles ne produisaient-elles pas chaque jour ?

Grégoire Bouillier est un écrivain français né en 1960 et a obtenu le Prix de Flore en 2002, pour son livre Rapport de moi. Plus d'informations ici.